J'aime bien faire l'historique de locutions – ici celle de "révolution numérique", abondamment employée de nos jours, pour décrire "la disruption" (à noter aussi : l'étonnant "surgissement de la transition numérique", chez N. Colin).
On trouve trace de "révolution numérique" en mars 1999, sous la plume de Bernard Spitz, ancien membre du cabinet du Premier Ministre M. Rocard, à l'époque en transit au Conseil d'Etat entre deux postes "numériques" (directeur chez Canal+ 1992-1996 avant d'être directeur de la stratégie chez Vivendi Universal entre 2000 et 2004, à l'époque Messier).
Ce petit opuscule (40 p.) n'est pas chez n'importe quel éditeur : c'est une note de la Fondation Saint-Simon (fondée en 1982, dissoute fin 1999 – c'est donc une de ses dernières publications)(*). C'était une fondation d'inspiration centre-gauche (rocardienne) destinée, à partir de 1982, à promouvoir le social-libéralisme, notamment au sein de la gauche nouvellement arrivée au pouvoir en 1981.
Pour l'auteur, en 1999, la "révolution numérique", c'est en fait celle de la télévision – le remplacement des canaux hertziens par les câblo-opérateurs numériques. La fin d'une ressource rare (la fréquence hertzienne) et du broadcast, leur remplacement par la profusion de chaînes numériques, avec les "services interactifs" associés (téléachat, pay-per view).
Le contenu précis de cet opuscule, aujourd'hui assez rébarbatif à lire, importe finalement peu : mais il est intéressant de constater qu'à cette époque (1999), la locution "révolution numérique" semble s'appliquer uniquement à la TV – elle est très éloignée de toutes les facettes qu'elle a pu prendre aujourd'hui (la révolution numérique interne à l'entreprise, la révolution numérique qui "ubérise" certains secteurs, etc.).
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(*) Sociologie des institutions : On peut comparer mutatis mutandis le rôle joué en 1999 par B. Spitz (Conseil d'Etat) et la fondation Saint-Simon à celui joué en 2015 par Nicolas Colin (Inspection des Finances) et la fondation Terra Nova (avec son récent ouvrage La richesse des nations après la révolution numérique, fondation Terra Nova)