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18 mars 2010 4 18 /03 /mars /2010 10:17

J’ai rédigé en novembre dernier un article « Bibliothèque numérique : Google face à l’Europe » qui vient de paraître dans La Jaune et la Rouge (revue des anciens élèves de Polytechnique), mars 2010, n°653 consacré au Livre et Internet. Cet article m’avait été demandé par Pierre Laszlo, coordinateur du numéro (par ailleurs chimiste, auteur scientifique, et auteur BibNum).

Vous trouverez cet article en ligne ici, mais pour ceux qui n’auraient pas la possibilité de le lire entièrement, voici les quelques idées que j’y développe, toujours les mêmes depuis mon rapport remis il y a quatre ans et qui ouvrent ce blog, ainsi que dans mon article du Monde des Livres de 2007 (il faut croire qu’elles commencent à percoler puisque le récent livre de B. Racine, président de la BnF, va dans le même sens sur un certain nombre d’entre elles) :

1)  la BnUE (bibliothèque numérique européenne, ou Europeana), lancée en fanfare il y a cinq ans, n’atteint pas son objectif d’être une alternative à Google.

2)  D’un point de vue politique, ceci amène le citoyen à s’interroger sur le battage politique et médiatique au plus haut niveau (président Chirac à l’époque) et la réalité des maigres résultats ; il en va de même des programmes européens, coûteux et ralliant une audience limitée.

3) Europeana se limite d’ailleurs à un portail de recherche de documents multimedia (livres, manuscrits, photos, vidéos,…), renvoyant vers les sites des bibliothèques nationales (surtout Gallica d’ailleurs).

4) À l’opposé, Google Books est un site sobre, avec des livres uniquement consultables sur le site -même : une bibliothèque numérique effective.

5) Faisons la différence, rarement faite dans les medias, entre le programme Google de numérisation des livres « patrimoniaux » (qui ne sont plus sous droit) et la numérisation des livres sous droits, qui suscite à juste titre l’ire des éditeurs dans le monde.

6) À propos des éditeurs, l’économie mixte à la française à conduit à créer un appendice dans Gallica, difficlement visible et compréhensible, affichant des livres sous droits, avec des visualisations différentes suivant l’éditeur (Gallimard, etc.) – programme financé sur fonds publics (augmentation de la taxe sur les imprimantes-scanners gérée par le CNL).

7) Par comparaison, en Allemagne, dès 2005 les éditeurs se sont groupés entre eux pour faire une bibliothèque numérique Libreka.

8) Le mythique « patrimoine européen » spécifique à Europeana a fait long feu : car ce qui est dans les bibliothèques américaines, et que numérise Google, c’est justement le patrimoine allemand, anglais, français…le patrimoine de l’émigration qui a fait les Etats-Unis.

9)  D’ailleurs, en Europe, les bibliothèques nationales (sur lesquelles s’appuie Europeana) sont un patchwork d’institutions disparate : puissantes en France (BnF) et au Royaume-Uni (BNL), elles sont nettement moins visibles dans des pays d’unification récente comme l’Allemagne ou l’Italie.

10) Avant de s’engouffrer dans une bibliothèque européenne (lisez-vous souvent des livres du XIXe s. écrits en hongrois ?), il eut été utile de monter une bibliothèque numérique francophone – capitalisant sur l’avance qu’avait depuis 2005 la BnF avec Gallica.

11) La diabolisation de l’utilisation de Google, comme celle de Wikipedia, est le signe d’un manque de confiance en l’internaute : celui-ci est, à mon sens, capable de démêler le bon grain de l’ivraie, d’effectuer un travail de recherche (avec un moteur éponyme) ; cette diabolisation émane d’une génération qui, n’ayant pas toujours compris ses usages, voit en Internet surtout ses dangers.

12) Bravo le page ranking du moteur Google s’il me permet de trouver sur Google Books, en deuxième résultat de ma recherche, le livre que je cherche ; on n’a à mon avis pas fini de réfléchir sur cette synergie entre le moteur grand public et Google Books.

13) En 2006, on aurait déjà pu décider que les bibliothèques négocient ensemble avec Google et non en ordre dispersé (idée figurant dans mon rapport BnUE, ainsi que dans le discours Darnton à la BnF en novembre dernier).

14) La foire à la quantité numérisée continue : la BnF nous annonce un millions d’œuvres en ligne – dont 700 000 revues et journaux (j’ignore dans ce cas quelle est l’unité de compte) – en fait il n’y a que 150 000 livres (doublement de Gallica en cinq ans)

15) Question iconoclaste (mais qui se pose à présent) : pourquoi, maintenant, numériserait-on sur fonds publics un ouvrage français qu’on peut déjà trouver sur Google Books ? Quel intérêt ?

16) Question iconoclaste, bis (qui se pose à présent, bis) : quel intérêt aurait Google, maintenant, à aller numériser avec la BnF ou d’autres des ouvrages francophones déjà présent sur Google Books ?

17) L’invocation de programmes franco-allemands pour la numérisation, sorte d’ersatz de programmes européens, m’inquiète quand on connaît le rapport coût/résultat pour le grand public de tels programmes, comme Quaero (Quaerebam comme je l’avais appelé). Idem pour l’invocation au grand emprunt, sauf à mieux définir les objectifs qu'en 2005.

18) Enfin, last but not least, ce n’est pas faute de le mentionner à chaque fois, le dépôt légal sous format numérique n’est toujours pas obligatoire légalement, pour ne pas brusquer les éditeurs. Or les fichiers se perdent, chez les éditeurs, chez les imprimeurs – ces maisons ont souvent un fonctionnement artisanal. Que dirons nos petits-enfants quand ils verront que nous glosions sur une bibliothèque numérique, sans même préparer la leur avec nos livres actuels qui ne seront plus sous droits dans 70 à 100 ans ?

 Image-Twelwe-South.JPG

Voilà, désolé de ce billet un peu long – je n’aime pas les longs billets de blogs, mais j’ai ainsi reclassé mes idées (sachant que dans l’article en question que j’ai écrit, j’ai dû à la demande de la revue faire des encadrés hors texte qui coupent un peu le propos). Merci au blog affordance de m’avoir fait connaître la photo ci-dessus qui est un clin d'oeil.

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commentaires

L
<br /> <br /> Bonjour<br /> <br /> <br /> Article intéressant - j'apporte ma pierre à l'édifice - (enfin j'espère vu la complexité et la nature du sujet en évolution constante). La grosse différence à mon sens est que google permet un<br /> accès libre de sa base. Et bientôt une possibilité inédite jusqu'à lors - la possibilité grâce aux technologies numériques d'ipression à la demande de sa base. Les modalités restent encore à<br /> déterminer - mais je pense notamment aux universités sur des livres rares - sans réelle ré-édition possible.<br /> <br /> <br /> Peut-être que la BNF ou Gallica va proposer ce service - mais vu la complexité de mettre d'accord les différents acteurs - j'en doute - même si ce searit une très bonne choses.<br /> <br /> <br /> Laura<br /> <br /> <br /> <br />
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L
<br /> Une réponse peut être à un des aspects de vos questions.<br /> s'il est une différence majeure entre google books et gallica, c'est que gallica est une bibliothèque numérique, google books, une base de données. La différence n'est pas si mince. C'est cette<br /> différence qui fera que vous aurez plusieurs fois le même ouvrage qui apparait dans la liste de résultats de google books, et un seul dans gallica, même si plusieurs exemplaires existent de ce même<br /> ouvrage. Une autre différence explique, éclaire un point que vous soulevez, celui des périodiques et des livres. Google, 12 millions d'ouvrages contre 1 millions à Gallica, mais seulement 150 000<br /> livres et 750 000 périodiques. LA notion de périodique n'existe pas dans google, car ce n'est pas une bibliothèque.<br /> <br /> voilà un ouvrage sur google:<br /> <br /> c'est juste un ouvrage comme un autre. car google numérise mais ne classe pas comme le fait une bibliothèque. Il fait plein de choses que les bibliothèques ne font pas, aussi, mais il ne classe pas<br /> les publications selon leur nature, uniquement par leur pertinence supposée pour votre recherche.<br /> <br /> Voici ce que cela donne dans gallica :<br /> D'abord pour ce titre de périodique, une liste de tous les fascicules, volumes de ce périodique, numérisés. Chaque, ligne de résultat correspond à un exemplaire, un document qui sera compté dans<br /> Gallica dans le compteur des périodiques.<br /> Puis, ce document lui-même, identique à celui qui vous pourrez trouver dans google, mais sans lien avec l'ensemble de ce périodique.<br /> <br />
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A
<br /> <br /> Désolé, je réponds avec retard à cette contribution intéressante. Mon propos initial est de nature différente : comment peut-on laisser croire qu'Eorpeana est<br /> une alternative à Google Books ? En ce sens, vos arguments, fort intéressants, me paraissent du second ordre. <br /> <br /> <br /> Je crains aussi que, tout valables et pertinents qu'ils sont, ils ne soient du second ordre aussi pour<br /> l'utilisateur: celui-ci ne sera pas gêné d'avoir plusieurs fois le même ouvrage sur GB - nous sommes dans une époque de trop-plein d'informations (je n'approuve pas mais je constate). Pour un<br /> périodique, il ajoutera simplement la date dans le moteur de recherche de GB (ex. Journal de l'école polytechnique 1807) et verra ce qui tombe.<br /> <br /> <br /> Je comprends mieux la classification Gallica avec votre commentaire, et la façon dont les documents sont classés. Je crains cependant que ce distinguo, fort<br /> valable, entre "base de données" et "bibliothèque numérique" reste fort abstrait, en pratique. A discuter. A.M.<br /> <br /> <br /> <br />

Présentation

  • : Humanités numériques, édition scientifique, diffusion numérique de la connaissance, Enseignement supérieur et recherche, géographie et histoire industrielles (auteur Alexandre Moatti) = ISSN 2554-1137
  • : Discussions sur le projet de Bibliothèque numérique européenne, sur les bibliothèques numériques en général; sur l'édition scientifique papier & en ligne.
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Avant-propos

Ce blog est créé à la rentrée scolaire 2006 pour suivre les sujets suivants:
# Bibliothèque numérique européenne (BNUE), et bibliothèques numériques en général.
# Edition et revues scientifiques.
Il est étendu en 2023 sur des sujets connexes aux précédents, mais néanmoins liés : patrimoine industriel, géographie industrielle.

 
Alexandre Moatti
 
 

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