Dans la droite ligne de ce que j'avais écrit il y a deux ans (billet "Droits d'auteur vus par l'INIST"), s'est déroulé un procès dont je ne connaissais pas l'existence, un auteur (juriste, çà aide !) a attaqué INIST (CNRS) et Chapitre.com.
Je m'étais insurgé en 2009 contre le fait que les articles de la revue Bulletin de la SABIX que je dirige se retrouvaient en vente 19 euros par article (alors que nous vendons le numéro entier et sa dizaine d'articles à 20 euros), et surtout sans autorisation aucune de l'auteur de l'article, ou de l'éditeur (nous-mêmes) auquel il avait confié ses droits pour son article.
On se retrouvait dans une situation où, sous prétexte de "valorisation des résultats de la recherche" (mission de l'INIST), un article se retrouvait en vente 1) sur un site privé (Chapitre.com), 2) sans que auteur ni éditeur ne soient informés, 3) à un prix incroyable (d'un autre côté, plutôt moins cher que les articles à l'unité sur Springer ou Elsevier, 35 dollars - mais les articles leur appartiennent, hélas), et 4) sans que éditeur et auteur récupèrent quoi que ce soit - des cacahuètes au titre du droit de copie, qui d'ailleurs est forfaitaire, déjà assez compliqué à récupérer pour un auteur isolé, mais pour une revue administrativement quasi infaisable.
Et ceci sur la seule base juridique suivante : subrogation du CFC à l'INIST du fameux "droit de copie" - qui en aucun cas n'est un droit de diffusion publique ni de vente, et, semble-t-il, l'écriture d'une notice descriptive de l'article par l'INIST (pas toujours présente)
La Cour d'appel (27 mai 2011) a confirmé le jugement de première instance (9 juillet 2010) - sans doute INIST et CFC avaient cru bon de faire appel - c'était d'ailleurs vital pour eux.
Un exemple stupéfiant de ce qui avait pu germer dans la tête d'un organisme public (INIST-CNRS), à la recherche de "ressources propres", d'un organisme parapublic dépendant du ministère de la Culture (le CFC, j'ai déjà eu l'occasion de dire ce que je pensais de ces organismes qui s'auto-alimentent), et d'un malheureux partenaire privé (la librairie en ligne Chapitre.com).
Voir ci-dessous l'article du site LEGALIS, et les intéressants liens vers les deux arrêts.
(extrait site legalis.net)
La cour d’appel de Paris a confirmé la condamnation du Centre français d’exploitation du droit de copie (CFC) et l’Inist Diffusion, filiale du CNRS, prononcée par le TGI de Paris, pour la vente de copie d’articles juridiques sur Inist.fr et Chapitre.com sans l’autorisation de son auteur. Dans son arrêt du 27 mai 2011, la cour rappelle que la cession légale du droit de reproduction par reprographie au profit du CFC ne vaut que pour une utilisation non commerciale. Pour le reste, le consentement de l’auteur demeure indispensable. A cet égard, les deux sociétés ne peuvent pas se prévaloir d’une cession tacite ou implicite des droits d’auteur à l’éditeur de la revue dans laquelle les articles en cause ont été publiés, dès lors que l’auteur s’était borné à autoriser cette publication (...) Dans cette affaire, le CFC avait conclu avec Inist Diffusion un contrat par lequel le CFC cédait à la filiale du CNRS les droits de reproduction par reprographie des publications qu’elle avait acquis. L’Inist avait, à son tour, conclu une convention de partenariat de diffusion/distribution avec Chapitre.com.
Et, me fait remarquer mon collègue Rémi Mathis conservateur à la BnF, à propos d'un article dont il est l'auteur et diffusé vaillamment par INIST, le prix pouvait monter plus haut, à 50 euros pour une livraison express de l'article (ici).
Il semblerait, par surcroît, que la facturation porte sur l'article (par exemple 11 euros), et que le droit de copie est payé à part, pour 1,80 euros : donc l'auteur ne se verrait éventuelement rémunéré par le CFC au titre du droit de copie que sur cette minime quote-part calculée séparément...
Sur ce jugement, à signaler que pour le plaignant David F. (anonymisation partielle puisque vous pouvez voir le nom David Forest dans le jugement), c'est une bonne affaire, environ 22 000 euros si j'ai bien calculé (plus la transaction qu'il a signée avec la partie privée Chapitre.com, qui du coup n'apparaît pas dans le jugement).
Une question posée à la communauté de l'IST : que vont faire les différents auteurs et éditeurs puisque cette diffusion continue en toute impunité ? Voir SABIX sur portail INIST : tous les articles (150 environ) + moi-même comme auteur)
Je serais heureux de vos avis en commentaires.