Floraison de tribunes sur la recherche et l’enseignement supérieur des derniers temps. Ma lecture, ce que j’en retiens. Je ne donne pas d’impression générale négative sur la tribune (genre : superficiel, sans intérêt, etc.), mais en cherche les éléments qui m’inspirent, et que je juge valables (c’est très subjectif). J’essaie de faire avancer notre réflexion à tous sur l’enseignement supérieur et la recherche : c’est mon objectif.
1
Réforme du doctorat : « En route vers la médiocrité généralisée ! » Jean-Luc Noël (Professeur d’histoire à l’université Paris-Sorbonne Paris-IV) et Serge Sur (Professeur émérite de droit public à l’université Panthéon-Sorbonne) (Le Monde du 8 juin 2016).
Pour moi : oui à la VAE pour être admis en thèse, mais attention aux passe-droits comme soulignent les auteurs :
« Voilà un texte qui s’applique à merveille à des élus, des énarques, sans parler de syndicalistes professionnels. Bienheureux hasard ! Aujourd’hui tous avocats, demain tous docteurs – ou plutôt pseudo-docteurs. Seuls les besogneux, amis de l’effort intellectuel et des vastes corpus documentaires de première main, continueront à préparer de véritables thèses. »
Et bien d’accord sur une des leurs phrases, à méditer :
« Or, d’une thèse, on ne sort pas comme on y est entré. »
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2
Un article de même inspiration : « Réforme du doctorat : une nouvelle étape du déclin de l'université française » Eric Anceau (LeFigaroVox du 10 juin 2016). Eric Anceau enseigne l'histoire contemporaine à Paris-Sorbonne et à Sciences-Po Paris. Il coordonne le projet pour la France de Debout la France [donc c’est surtout un homme politique – mouvement Dupont-Aignan]
À retenir, et à vérifier :
« En outre, le doctorant pourra, à terme, valoriser un portfolio de modules professionnalisants, ce qui diminuera d'autant la part de la thèse elle-même dans la validation du doctorat (article 15). »
Et ce paragraphe sur
« Nos élites administratives, issues pour la plupart de grandes écoles, jalouses de ne pouvoir bénéficier du titre doctoral, seul reconnu à l'étranger où l'ENA, pour ne prendre qu'un exemple, ne parle pas vraiment - c'est un euphémisme, ont naturellement demandé, préparé et appuyé le texte. Quant à nos élites politiques, elles sont en grande partie issues de la même consanguinité et méprisent donc souvent l'Université. Lorsqu'elles y sont passées, elles ont fréquemment arrêté leur cursus bien avant le doctorat, qui pour intégrer un syndicat destiné à leur ouvrir la porte de la politique, qui pour rallier directement un appareil partisan. »
En revanche, éviter ce genre de mentions mondaines – un ancien DGESS, quelle est sa compétence ? anecdotique et outrancier.
« dont un ancien et très estimable directeur général de l'enseignement supérieur et de la recherche me disait avant-hier qu'il s'apparenterait vite aux soviets. »
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3
« Recherche française : il faut changer d'organisation » par Augustin Landier professeur à la Toulouse School of Economics & David Thesmar professeur à HEC (Les Échos 2 juin 2016) [Une tribune de néo-marchandisation de l’enseignement supérieur (les « grands chercheurs internationaux, à gérer comme des stars du foot»…]
À retenir (notamment sur le Grand Emprunt et les starts-up) :
« Deuxièmement, la France est un pays où la formation par la recherche n'est pas valorisée. Les jeunes docteurs y sont considérés comme des étudiants attardés. Le décalage est total entre la Silicon Valley, où les entreprises de technologie s'arrachent au prix fort les thésards scientifiques, et la French Tech, qui valorise plutôt un diplôme d'école de commerce (pour créer un concept vite revendable à un grand groupe) ou un carnet d'adresses dans la haute fonction publique (pour obtenir les subventions). Troisièmement, les financements français issus du grand emprunt sont saupoudrés au lieu d'être concentrés sur les équipes les plus à la pointe. »
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4
Un billet d’humeur peut-être trop ironique contre la précédente tribune III – mais on peut le comprendre : « La zlatanisation de la recherche scientifique » par Hervé Laroche, professeur Stratégie, Hommes et Organisations, ESCP Europe (The Conversation, 13 juin 2016) ;
À retenir, le point 8, sur les jurys étrangers, qui rejoint certaines de nos réflexions (à/s du Grand Emprunt notamment) :
« L’internationalisation démocratique est une autre caractéristique à importer du monde du football. Les processus ayant mené aux attributions de l’organisation des grandes compétitions de football nous en ont donné la preuve. Alors que, dans la recherche, comme le notent subtilement Landier et Thesmar, « l’évaluation interne dans les organismes est souvent entachée par le lobbying et les connexions ». La solution est simple : utiliser des « jurys étrangers ». Les étrangers, à la différence des Français, sont naturellement bons, honnêtes, objectifs, neutres, perspicaces, compétents, indépendants, incorruptibles. Même si ce sont les mêmes qui sont susceptibles d’être recrutés comme chercheurs stars.»
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5
On trouve aussi François Garçon, réalisateur audiovisuel et professeur de communication, qui mène de longue date une critique ultra-libérale des grandes écoles françaises (il a pourtant enseigné à l'X pendant 18 ans), mais surtout sommaire et répétitive (Le NouvelObs, 18 juin). Retenons sa coclusion (il craint que les ingénieurs des grandes écoles, grands corps, écoles de commerce, etc. s'attribuent le PhD sans véritable thèse):
Il n’est pas sans intérêt de voir comment la caste française s’y est prise pour phagocyter sans vergogne le titre qui fait la gloire des universités dans le monde entier, universités qu’elle considère par ailleurs comme un dépotoir repoussant et dont elle détourne ses rejetons. Étonnant, aussi, de voir le peu de réactions dans les médias. Cette affaire atteste une nouvelle fois, si besoin était, la surreprésentation des diplômés des "grandes écoles" dans les lieux où s’exerce le pouvoir et, symétriquement, l’absence dans ces mêmes instances d’universitaires attachés à défendre leur raison d’être.