Humanités numériques, édition scientifique, diffusion numérique de la connaissance, Enseignement supérieur et recherche, géographie et histoire industrielles (auteur Alexandre Moatti) = ISSN 2554-1137

J'arrive bien après les faits mais je suis peu surpris d'un tel commentaire, qui aurait été je pense identique aujourd'hui. <br /> <br /> Je suis un universitaire, j'ai effectué ma formation à l'X avec une dominante en mathématiques et en informatique. Je n'ai eu aucune difficulté à suivre les cours. Mais la réalité au pâle était bien différente, la différence se faisant sentir entre les taupins formatés devenus des machines à examen en deux ou trois ans de prépa et les autres, universitaires et élèves étrangers, qui n'ont pas suivi la sacro-sainte voie royale.<br /> <br /> Réunir les cours et les pâles dans un seul argument est absurde puisque les pâles en Maths et Maths Appliquées ne demandent qu'une connaissance limitée du cours, le reste étant une construction purement calquée sur le modèle des concours.<br /> <br /> L'enseignement à l'X est excellent, la notation poussée par le classement de sortie n'est qu'un montage favorisant les bêtes à concours et participant au biais de confirmation selon lequel la compétence d'un étudiant n'est que le reflet de sa voie d'entrée et de son classement. <br /> <br /> Encore une fois par expérience, j'attends de voir la même comparaison sur des cours notés par projet, où implication et autonomie sont nécessaires, qualités qui manquent cruellement aux taupins déscolarisés, démotivés et dont on ne mâche pas à l'avance pour une fois tout le travail.<br /> <br /> Enfin, le mépris de classe qu'affichent sans honte les polytechniciens, nouveaux diplômés comme anciens, est consternant: un mépris qui a pour origine une obsession pour l'excellence, non pas dans la compétence, mais dans le statut et qui prends racine dès les premières années d'école où on apprends à discriminer jusqu'à ses propres camarades. Un mépris souverain également pour le monde universitaire qu'aucun polytechnicien n'a par ailleurs connu, ni probablement un quelconque membre de son entourage aristocrate; mais cette ignorance ne les empêche pas de cracher sur un modèle républicain qu'ils honnissent, probablement car il permet à de jeune gens comme moi d'aspirer à un meilleur avenir que celui de ses parents sans avoir à se soumettre au système des classes préparatoires qui favorisent toujours davantage la reproduction sociale sous couvert d'être "méritocratique". <br /> <br /> La méritocratie en France et en particulier à l'X est une vaste blague, il suffit de voir ici-même comment sont considérés ceux qui n'ont pas été préparés dès leur naissance à accéder au même rang que vous mais qui par leurs efforts et leurs sacrifices ont su se hisser malgré tout jusqu'à cette école "prestigieuse".<br /> <br /> Je me rappelle ce que le directeur des études de l'époque, Pierre Dauchy, m'avait dit: "L'X recrute des universitaires car les étudiants restant sont des clones formatés". Mon expérience personnelle ne peut que le confirmer.

Quelle arrogance, quelle indignité dans ta première réponse cher Alexandre ! Lorsque l'on cherche à faire un trait d'esprit ou à placer une référence littéraire il est dommage de s'enorgueillir de sa culture et encore plus de supposer que son interlocuteur en est dépourvu.<br /> <br /> M'enfin bref. Je voudrais surtout réagir sur la caricature facile (et fausse) que vous faites des maths de prépa. Les maths de prépa ne sont absolument pas du bachotage. C'est d'ailleurs tout le contraire, à mon sens. En prépa on apprend à raisonner, on prouve tous les théorèmes du cours (et il y en a un paquet), on construit les outils que l'on utilise, et on ne se cantonne pas à apprendre par coeur quelques exercices types. Car justement la diversité du programme et sa richesse font qu'il n'y a pas d'exercice type. L'importance de l'intuition mathématique est mise en avance, en particulier en filière MP. Les khôlles de maths sont l'exemple même de la mise en situation face à un problème inconnu, absent du cours, et face auquel on doit réagir en utilisant des outils mathématiques variés. <br /> <br /> J'ai vu comment les maths étaient enseignées dans d'autres pays, j'ai vu des cours de maths, en Suisse par exemple, qui ne consistaient qu'en l'application d'un livre de recettes calculatoires. Où l'on apprend à diagonaliser une matrice sans même savoir ce qu'est un espace vectoriel. Alors que la prépa va justement former les élèves à comprendre les concepts sous-jacents aux notions qui sont enseignées. Et pour que la prépa ne tende pas peu à peu à former des élèves qui bachotent il faut justement lutter contre la réforme des programmes qui enlève les parties les plus théoriques, comme l'algèbre générale. A la différence de la terminale la prépa forme l'esprit mathématique des élèves et leur donne des méthodes et des connaissances extrêmement solides pour continuer des études mathématiques. Ce n'est pas une surprise que les étudiants français qui ont fait une prépa et qui partent en master dans une universitaire étrangère (typiquement américaine, anglaise ou suisse) soient particulièrement à l'aise en maths (pour ne pas dire "se baladent en cours").<br /> <br /> Bien sûr aujourd'hui il est dans l'air du temps de critiquer les prépas, ce système "élitiste". En attendant il fonctionne bien et il n'y a pas de raison de le remplacer ou de réduire les possibilités d'intégration à l'X pour les élèves qui auront fait le choix dur (mais bon) de la prépa.

Vous caricaturez (intentionnellement ?) mon propos : quand j'écris "maths de taupinage" c'est évidemment un raccourci pour "la façon taupine d'apprendre les maths, par bachotage"... sans réelle interrogation et démarche scientifiques (ça ne date pas d'hier ces critiques, cf; Bouasse 1928 https://journals.openedition.org/bibnum/783). Quant à "l'enquête auprès des enseignants et des élèves", c'est ce à quoi je m'attacherai si je suis nommé : malheureusement deux mois de préavis pour préparer sa candidature et rattraper une situation détériorée (en tout cas dans le discours de communication ; heureusement l'école résiste à ce discours), c'est un peu juste. Merci en tout cas d'avoir fait part de cette opinion qui est la vôtre. A.M.

Monsieur Moatti, je comprends mieux votre idée. Vous voulez, pour que les universitaires soient capables de suivre les cours, proposer de nouveaux enseignements dans des matières différentes (lesquelles ? la biologie est déjà assez présente, avez-vous d'autres exemples ?) et recruter des universitaires spécialistes de celles-ci. J'y suis très favorable ! Je ne suis pas opposé au changement pour le changement, je souhaite juste garder ce "haut niveau" dont vous parlez, et qui me semble menacé par votre proposition.<br /> <br /> Par exemple, puisque vous parlez des maths, je ne suis pas favorable au recrutement de plus d'universitaires ayant fait une licence de maths et qui veulent faire des maths à l'X. Les maths à l'X ne sont pas des "maths de taupinage", je vous invite à consulter les excellents cours de 2a et de 3a (j'ai beaucoup aimé le cours de théorie de Galois, cf http://www.cmls.polytechnique.fr/perso/laszlo/galois/galois.pdf, vous apprécierez l'approche historique au début, vous pouvez aussi trouver un résumé des cours de 3a ici : https://gargantua.polytechnique.fr/siatel-web/linkto/mICYYYT)jiYK). Vous devriez aussi, en tant qu'éventuel futur président, contacter des enseignants-chercheurs (évitez de leur dire qu'ils font des maths de taupinage quand même). Il se trouve qu'actuellement, les élèves issus de classes prépa suivent mieux ces cours que les élèves universitaires, qui sont plus souvent en difficulté. C'est purement factuel, vous pouvez le vérifier auprès de n'importe quel élève/prof. Il me semble donc inutile de recruter un élève universitaire à la place d'un élève de prépa si c'est pour suivre ces cours. A mon sens, ça serait même ne pas lui rendre service.<br /> <br /> Bien entendu, il y a d'excellents élèves issus de la filière universitaire. Mais vous n'en trouverez pas 200 en France, puisque déjà, avec 20 élèves, on voit la différence de niveau, et cela même en mathématiques appliquées, en physique et en informatique. Je n'ai pas suivi de cours de biologie donc je ne peux pas vous dire pour ce domaine. Mais en somme, je vous recommande d'effectuer une enquête auprès des enseignants et des élèves. Les faits vous montreront qu'à moins de changer complètement les matières étudiées à l'X, votre idée n'est pas applicable en l'état actuel des choses (en 5 ans, les étudiants français ne changeront pas drastiquement leur orientation).

Il est sûr que dans votre optique, cher X, "il faut que rien ne change pour que rien ne change" (c'est une parodie de citation, renseignez-vous). Je me place dans une optique progressive (sur 5 ans). Où les maths à taupinage ne sont plus l'alpha et l'omega. Où les parcours d'enseignement à l'X sont plus variés, tout en maintenant un haut niveau. Où l'on ouvre à des étudiants en biologie, par exemple. A.M.