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21 août 2017 1 21 /08 /août /2017 18:19

On n'a pas fini de s'extasier (#humour) devant les projets numériques financés par la taxe parapublique sur les appareils de reprographie, augmentée fin 2006 comme suite à l'agitation "Bibliothèque numérique européenne", et gérée par le CNL, organisme public. Elle est la cause de partenariats privé-public fort contestables, mélange des genres que j'ai déjà eu l'occasion de critiquer dans mon ouvrage Au Pays de Numérix (2015), dans un article BBF de novembre 2013 (affaire ProQuest notamment), ou sur ce blog (ici, ou, entre 2013 et 2016). On se lasse, mais on n'est jamais à court de surprises.

Je recherchais un ouvrage d'Adolphe Alphand (1817-1891), l'ingénieur des Ponts et Chaussées qui a dessiné sous les ordres d'Haussmann tous les jardins parisiens, ouvrage intitulé Les Promenades de Paris (1867). Cet ouvrage existe en accès libre dans Gallica, tant mieux, mais je tombe aussi sur un site hachettebnf.fr (oui, vous avez bien lu l'adresse), où le livre est en vente par Hachette à 26,60 € (ici).

Nous sommes là en présence d'une quasi supercherie, sur fonds publics ou parapublics :
1°) le nom de domaine s'appuie sur celui de la BnF
 traduction de ce PPP incestueux, avec les logos communs, celui de la BnF sur un site à caractère commercial de vente en ligne.


Hachette BNF

Le patrimoine à portée de main... d'Hachette qui fait main basse dessus et le rentabilise (pour quelques poignées d'euros)


2°) le livre (en impression à la demande) est en vente 26 € alors que le même exemplaire (en version numérique) est gratuit sur Gallica (ici) [NB : le livre vendu par Hachette n'est pas une réédition sous forme de livre d'art, c'est bien l'édition de 1867, la même que sur Gallica].

On peut raisonnablement se faire piéger par ces impressions à la demande (qui ne disent même pas leur nom, le site ne disant pas ce qu'il fait précisément) de livres par ailleurs gratuits. Cela m'était arrivé, sur la plateforme Amazon, de m'être fait ainsi piéger en commandant à un éditeur peu scrupuleux, pour 14 €, un opuscule de 30 pages de Bergson que je pouvais trouver sur Internet (en pensant que c'était une version originale d'époque : c'était en fait une impression à la demande).

Mais là il ne s'agit pas d'Amazon et d'un éditeur peu scrupuleux. Il s'agit de Hachette et de la BnF via sa filiale BnF partenariats, censée récupérer quelques picaillons en vendant son âme à un partenariat privé-public dont l'intérêt (public comme... privé : combien de recettes ?) paraît loin d'être évident.

 

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8 juillet 2016 5 08 /07 /juillet /2016 14:24

Il est des ouvrages dont on a besoin hic et nunc. Tel roman. Tel essai, exemple : un essai en plein dans ton sujet, écrit par un chercheur à l'opposé de ton domaine (ici un prof. de littérature), il y a un certain temps, dans une collection de qualité. C'est pour cela qu'il me fallait instamment Eloge et critique de la modernité, par Michel Raimond (ancien professeur de littérature à la Sorbonne, 2014), PUF 2000.

Les sites de vente en ligne donnent des indications défavorables : disponible en occasion à plus de 100€, livre épuisé. Sauf un site qui offre une possibilité : en livre électronique chez Decitre pour 12,99 €, super ! C'est alors que cherchant à passer la commande, je tombe sur l'écran suivant :

À la recherche d'un livre électronique : épuisé !

Oui, vous avez bien lu : le livre électronique n'est plus disponible – comme son homologue papier. Comment un livre électronique peut-il être épuisé ? Mais ne jetons pas la pierre à Decitre (qui n'est qu'un maillon de la chaîne de la complexe édition française, avec ses tout aussi complexes rapport au numérique): d'ailleurs Decitre a l'avantage  de me faire connaître l'existence de ce livre électronique, qui de fait existe quelque part – et c'est ce qui m'a incité à poursuivre mon enquête.

Une recherche Google un peu plus profonde me conduit en effet à un avatar de ce livre, sa représentation sur le site Eden Livres, et son visualiseur Flipbook (ici, et saisie d'écran ci-dessous):

À la recherche d'un livre électronique : épuisé !

Comme ce livre est en vente (théoriquement, puisqu'il est... épuisé), je ne peux en feuilleter ou télécharger que les 36 première pages – ce que je peux comprendre.

Un des multiples acteurs de cette chaîne est donc Eden Livres, une plateforme de distribution de livres numériques créée en octobre 2009 conjointement par les groupes Flammarion, Gallimard, Actes Sud et La Martinière. Pas PUF, mais on peut supposer qu'Eden distribue les livres électroniques PUF (tel que celui que je cherche). On ne peut acheter en ligne sur le site Eden (c'est normal, un distributeur ne fait pas concurrence aux libraires, ses clients).

Je me rappelle alors, de mon précédent billet sur la politique numérique du CNL, qu'Eden Livres est subventionnée par les pouvoirs publics : en 2011, 56 000 € au titre de la "politique numérique plateformes" (au total 11 projets pour 366 000 €, en, 2011).

À signaler aussi un indice dans mon enquête, la mention FeniXX en haut de l'écran ci-dessus. Non, ce n'est pas une faute de frappe : FeniXX est une filiale du Cercle de la Librairie, en charge de la numérisation des livres "indisponibles" du XXe siècle. Il s'agit du projet ReLire, financé par le CNL à la BnF à hauteur de 1,5M€/an depuis 2014. Je ne connais pas le circuit de financement (le monde des financements culturels peut être assez opaque), mais je suppose qque la BnF est maître d'ouvrage de ce projet, et qu'elle finance les partenaires du projet, comme FeniXX, en charge de la numérisation (qui est sans doute sous-traitée par FeniXX à une entreprise de numérisation : c'est toujours gênant quand apparaissent plein d'intermédiaires sur fonds publics).

Quant aux PUF, rappelons qu'elles ont (ré)ouvert récemment une librairie Rue Monsieur-le-Prince (Paris VIe), spécialisée dans l'impression à la demande de livres électroniques épuisés (Le Monde, article de mars 2015 "Les PUF inventent la librairie du futur"). J'ai donc l'idée de m'adresser à cette librairie, mais aucun numéro de téléphone sur internet... Et en fait cette librairie n'a pas de site internet... elle ne vend pas à distance ses livres numériques (à la différence de Decitre).  Donc si l'on n'habite pas à Paris, c'est fichu. Curieux concept que cette "librairie du futur", non accessible via internet. Je ne sais pas si elle a reçu un financement public (ce genre de choses est difficile à savoir dans le monde culturel), mais pourtant ma demande est en son coeur de cible : des livres épuisés, demandés à hauteur de 20-30 exemplaires l'an, et réimprimés à la demande : c'était le dossier de presse lors de l'ouverture de cette librairie.

Enfin, dernier avatar : je vais par acquis de conscience sur le site des PUF, pour voir si par hasard il y a un lien d'achat sur cet ouvrage. Quelle n'est pas ma surprise quand je constate que cet ouvrage (2000) ne figure même pas sur le site PUF ! Décidément la "chaîne du livre" reste un mystère pour moi. Je reste sur ma faim, sachant qu'existe quelque part dans cette chaîne (numérisé grâce à un soutien public) ce livre que je souhaite acheter... en vain. Mais je ne demande qu'à être démenti.

À la recherche d'un livre électronique : épuisé !

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Epilogue du vendredi 8 au soir : un twitto, que je remercie, me signale que le livre numérique est au catalogue du distributeur de livres numériques NUMILOG. Dont acte, et j'achète le livre électronique à 12,99€. Mais cela n'enlève pas grand'chose à ce que j'écris ci-dessus : les projets et financements publics doivent bénéficier à TOUS les acteurs de la chaîne du livre (le livre électronique financé doit être chez tous les distributeurs et libraires, à commencer par la librairie des PUF), et à TOUS les clients potentiels (pas seulement à ceux qui font un billet de blog et twittent, et qui obtiennent à la fin une réponse).

À la recherche d'un livre électronique : épuisé !

Ajout du S9 juillet : La lecture du livre montre le millésime BnF c'est donc bien un livre du dépôt légal BnF. Ce qui signifie que pour ce livre de 2000, l'éditeur n'avait pas le fichier numérique, en tout cas le livre a été re-numérisé par la BnF. Et on m'explique sur Twitter que le CNL finance la BnF pour les livres ReLire dont "ne veulent pas" les éditeurs concernés (ceci semble être le cas de cet ouvrage ; ce qui est confirmé par le fait qu'il ne figure même pas au catalogue du site PUF). Enfin, dans ce magma d'intervenants, je serais intéressé à comprendre où vont les 13€ que j'ai payés à Numilog.

À la recherche d'un livre électronique : épuisé !

Ajout du V14 avril 2017 : Et même sur une URL commerciale du site FeniXX (ici), le seul exemplaire affiché est l'exemplaire BnF (on reconnaît en haut à gauche la marque de classement BnF) l'éditeur n'est pas capable de présenter UN SEUL exemplaire de l'ouvrage à son catalogue...

À la recherche d'un livre électronique : épuisé !
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30 juin 2016 4 30 /06 /juin /2016 14:47

Dans le cadre de ma participation à la soirée Open Content Culturel à la Gaîté-Lyrique le 30 juin (à l’invitation d’Arnaud Morand), et à la faveur d’autres réflexions, je me suis intéressé aux subventions pour le numérique du Centre National du Livre (établissement public à caractère administratif).

Le budget du CNL (saluons la transparence de l’organisme qui affiche sur sa page les PDF de ses bilans d’aides depuis 2010, ce qui m’a permis de travailler dessus) est complexe, par chapitres – c’est presque un budget de l’État ! Nous avons cherché à mieux comprendre ce qui relève du numérique.

1. Le principal poste est le soutien à la BnF (« politique numérique diffusion non marchande », gérée par le «comité de numérisation du patrimoine imprimé ») : 4,5M€ en 2010, 6M€ les 3 années suivantes, 7,5M€ en 2014. Je suis toujours étonné du fait qu’un établissement public en finance un autre (les institutions publiques qui « jouent à la marchande entre elles », R. Mathis  d'autant que ceci représente le quart du budget d'intervention du CNL, environ 30 M€) : c’est le résultat de la décision prise en 2006 (cabinet Donnedieu) d’augmenter l’assiette de la taxe « copie privée », en y incluant une taxe sur la vente des photocopieurs-scanneurs (Numérix p. 40) – cette augmentation fut présentée à l’époque comme une réponse au projet Google Books : l’État, n’ayant pas les moyens d’augmenter sa dotation à la BnF, augmentait la taxe « copie privée » à cet effet. On notera que l’augmentation de la dotation en 2014 (passant de 6 à 7,5M€) correspond au financement du projet ReLire de numérisation des « œuvres orphelines ».

2. Un autre poste important est le soutien aux éditeurs pour la numérisation et la mise en ligne d’ouvrages actuels (« politique numérique diffusion marchande »). Il varie entre 2,46M€ en 2010 (concernant 11 000 titres) et 1,44M€ en 2014 (4400 titres). Le bilan des aides, comme le rapport d’activité, ne sont pas diserts sur le sujet : la plupart de ces ouvrages existant déjà sous format numérique chez leurs éditeurs, on peut penser qu’il s’agit d’une forme de soutien à des développements numériques d’adaptation à divers portails, comme les sites propres des éditeurs, Amazon View Inside, ou Gallica. Concernant les sites d’éditeurs (et le portail Amazon), il ne s’agit ni plus ni moins qu’une subvention (déguisée) du CNL à ces entreprises – à l’instar du soutien de l’État à la presse écrite. Concernant Gallica, nous avions déjà souligné (Numérix p. 40, ci-dessous) l’incongruité de trouver sur un portail patrimonial des ouvrages sous droits, avec renvoi vers le site de l’éditeur (!) et visualisations les plus diverses ; que ceci soit fait avec le soutien public (CNL) renforce l’incongruité.

'Au Pays de Numérix', p.40

3. Un troisième poste, étroitement lié au précédent, est celui de la « politique numérique diffusion marchande » non destinée aux éditeurs, mais aux entreprises de plateformes e-books (« politique numérique e-distributeurs ») : 309 k€ en 2012, 258 k€ en 2013. Les bénéficiaires sont parmi d’autres les sociétés Iznéo, Babelio, Eden Livres, Fantasy. Là encore il convient de se demander quelle est la finalité publique d’intérêt général de tels soutiens ; et encore plus lorsque ce soutien porte sur « l’interfaçage Gallica » (ex. 30 k€ à Izneo en 2010, « projet d’interfaçage du site izneo.com avec Gallica », et 150 k€ en 2011 pour le même bénéficiaire). Tout se passe comme si, sous couvert du portail public Gallica qui lui est un projet d’intérêt général, fort utile, se greffaient divers soutiens publics au secteur professionnel (éditeurs ou portails de livres numériques soutiens techniques des éditeurs). Et qu'à l'occasion de l'augmentation de la "taxe copie privée" (2006), une politique de soutien aux éditeurs pour le numérique ait été mezza voce mise en place, gérée par la profession elle-même (postes 2 & 3)..

4. Un quatrième poste est celui des « conventions de politique numérique ». Les deux précédents postes relèvent de la « commission économie numérique », créée à l’occasion de l’augmentation de la taxe copie privée (2006), et dont la composition – avec des représentants d’entreprises et de syndicats professionnels (comme le SNE) – ne laisse pas d’étonner : il s’agit plus d’une commission de répartition d’une enveloppe que d’une commission d’examen de projets (le taux d’acceptation en 2011, 95 dossiers déposés, 84 retenus  est sans doute un des plus élevés des systèmes d’aide, sans rapport avec les projets de recherche présentés à l’ANR !). Ce quatrième poste, donc, ne relève pas de cette commission (comme l’indique le CNL) : ce sont des conventions de « politique numérique », pluriannuelles, passées de gré à gré entre le CNL et diverses structures privées : 614 k€ en 2013, 143 en 2014. Un des principaux bénéficiaires est le Forum d’Avignon (organisme interprofessionnel de lobbying des industries culturelles, longtemps présidé par N. Seydoux), pour un montant de 100 k€/an (de 2012 à 2014).

5. Enfin, un cinquième poste important dans notre analyse est celui du soutien à la numérisation de revues[1] (titre §6575.6 du budget CNL), pour un montant variant entre 142 k€ en 2010 à 43 k€ en 2014 ; le montant moyen est de l’ordre de 4700 €/revue/an, avec des bénéficiaires les plus divers, principalement liés au monde de l’édition (Gallimard pour Le Débat, Vrin pour diverses revues savantes, etc.). Notons que la plupart des postes (la moitié, sinon les 2/3) sont des « soutiens à la revue pour l’adaptation au portail CAIRN »). Il convient d’ajouter, dans ce poste, le soutien à l’éditeur numérique privé CAIRN lui-même, pour une convention 2011-2013 d’environ 600 k€/an (qui comprend aussi le traduction en anglais de certains articles).

C’est dans le cadre de ces deux derniers postes (4. conventions pluriannuelles de politique numérique et 5. soutien à la numérisation de revues) que nous évoquerons prochainement une autre incongruité, la numérisation privative sur fonds publics d’une revue prestigieuse dont une partie des numéros est pourtant libre de droits (patrimoine public).

_________________________________________________________________

[1] On notera parallèlement, hors numérique, mais dans le cadre de la diffusion de la connaissance via les revues, la rémanence d’un poste §6575.2 de « soutien au fonctionnement des revues » de 900 k€/an.

 

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19 octobre 2014 7 19 /10 /octobre /2014 17:17

Comme j'en ai fait part à la liste de diffusion universitaire francophone DH (Digital Humanities), la publication du rapport CNNum (Conseil national du numérique), avec sa proposition d'un baccalauréat « Humanités numériques » (HN) est intéressante : elle oblige à s'interroger sur l’acception de ce terme — en existe-t-il une compréhension commune ?

 

J'avoue avoir une idée assez élitiste des "Humanités numériques". Il s’agissait à partir de 2004-2005, de projets de  haut niveau, exigeants : je pense par exemple à Nietzsche on line (ENS, P. D’Iorio), Ampère (CNRS, C. Blondel / S. Pouyllau), Darwin, Newton ou Galilée en ligne, les manuscrits de Flaubert (Univ. de Rouen), Architecture 3D (Michel Florenzano), parmi d'autres. Quant à moi, j’avais mis en ligne (avec l’appui de Stéphane Pouyllau) quelques manuscrits Gay-Lussac / Monge (lien), puis créé en 2008 BibNum, bibliothèque numérique d'histoire des sciences, concept un peu différent (plus proche d’une revue), mais qu’on peut rattacher aux DH. On pourrait, d’ores et déjà, faire une historiographie des projets #DH depuis 10 ans — peut-être est-ce en cours ?

 

À partir de là, deux tendances se sont dégagées (je schématise) : ceux qui pensent que les DH sont d’abord et avant tout une pratique,un outil, à intégrer aux champs disciplinaires universitaires (qu’ils soient littéraires, ou plus liés à l’histoire des sciences, voire aux sciences exactes); ceux qui pensent que ce doit être une théorie, une discipline — avec les chaires, budgets et programmes de recherche correspondants. Je me rattache à la première tendance (j’avais raillé sur Twitter : “les humanités numériques, en faire, toujours — n’en parler, que rarement”), qui n’est pas moins “noble” que la deuxième. Je ne porte pas de critique sur la deuxième et conçois très bien que les deux puissent coexister, même si la seconde, plus visible, a pris le dessus.

 

En tout état de cause, existe entre ces deux tendances un socle commun de compréhension : chaque projet est construit autour d’un substrat — textes (antiques, classiques, scientifiques, autres), monuments, l’histoire d’une ville (Venise), etc. Ce rattachement, en priorité aux textes, est au fondement de la notion d’humanisme (au sens de la Renaissance), donc d’humanisme numérique – sens que développe d’ailleurs assez peu Milad Doueihi dans son Pour un Humanisme numérique (Seuil 2011). Au passage, une deuxième piste de travail pourrait être le lien entre les emplois de la locution “humanisme numérique” et de la locution “humanités numériques”.

 

Il me semble qu’on assiste là, avec le mastère HN SciencesPo, ou le bac HN proposé par le CNNum, à un changement de nature de la notion d’humanités numériques. Elle devient certes très englobante, mais surtout elle perd son substrat, çàd tout lien avec les textes et leur édition savante.

 

Je ne porte pas de critique à ce propos, mais j’essaie de me faire une opinion, en m’appuyant sur divers éléments d’appréciation, que je partage ici en vrac :

  1. 1. la remontée vers l’amont (de l’édition savante ou du programme de recherche jusqu’au mastère SciencesPo puis à l’idée de bac HN) découle implicitement de la vision HN comme discipline.

  2. 2. le mastère ScPo “Humanités numériques” est un Executive Master, çàd de formation professionnelle pour les salariés d’entreprises (je n’ai pas trouvé sur le site combien coûtait l’inscription à ce mastère, à mon avis au-delà de 20 000€). Il est important de noter, aussi, que le directeur de ce mastère est B. Thieulin, par ailleurs président  du CNNum et chef d’entreprise – je ne porte pas de jugement, mais c’est un élément d’appréciation à avoir en tête. 

  3. 3. une critique acérée du rapport CNNum — notamment sur la méthodologie — émane de Michel Guillou (blog). Ce billet mérite d’être lu, qui qualifie l’idée de Bac HN de “nocive autant qu’irréaliste”. On peut penser, comme lui, que la compétence en matière “informatique” (cf. le débat sur le codage à l’école), ou “numérique” (ce nouveau débat lancé par le CNNum sur un bac HN), doit plutôt imprégner chacune des disciplines, que faire l’objet d’un nouvel enseignement ou d’une nouvelle filière. En ce sens, ce débat sur les HN au lycée recoupe celui, assez virulent en ce moment, portant sur l’enseignement éventuel du codage à l’école. Il recoupe aussi le débat évoqué plus haut (HN : pratique ou discipline ?).

  4. 4. Sur l’aspect “irréaliste” (Guillou), on peut extraire une phrase du rapport CNNum lui-même, en toute fin de sa partie consacrée aux HN : (p. 53) "L’introduction d’un tel bac ne s’impose peut-être pas comme peuvent s’imposer d’autres réformes du système éducatif". Mais je n’irai pas plus loin dans cette discussion EdNat qui dépasse largement mon sujet. L’idée proposée par O. Le Deuff (son blog, 2013) (un bac HN fondé sur une étude critique de textes littéraires dans le secondaire — je résume rapidement) est séduisante mais paraît utopique (susceptible de concerner un très faible % d’enseignants); mais, même si cette idée fait un lien entre enseignements secondaire et supérieur sur la base d'une acception HN comme lien aux textes, ce n’est pas ce que le CNNum envisage, à aucun moment dans son rapport.


H2S.jpg

H2S : sulfure d'hydrogène, ou « Humanités et sciences sociales » (département de l'Ecole polytechnique qui porte encore ce nom – un des derniers emplois que je connaisse du terme humanités dans son acception première) [image WikiCommons, auteur Leyo]


Pourtant... Je dois avouer que les considérants de l’idée de bac HN par le CNNum sont à prendre en considération, notamment : (p. 50) “Ce bac sera parfaitement accessible aux littéraires et adoucira la coupure du lycée entre littéraires et matheux, en démontrant que l’on peut réussir dans les techniques et services numériques sans être nécessairement fort en maths.” Il est vrai que l’hyper-sélection par les maths (c’en est un pur produit qui écris ici) doit être ‘interrogée’. Si cette idée-oxymore d’humanités numériques (Berra 2011) peut y contribuer, elle mérite d’être considérée. Il faut là aussi prendre en compte un aspect linguistique : les HN (en français dans le texte) nous viennent des DH (anglais) — et le concept d’humanities a conservé toute sa vigueur en anglais (voir par exemple la page Wikipedia {{en }}), alors que ce n’est plus le cas en français (je peine à dater les derniers emplois de la locution '”faire ses humanités” | tous commentaires bienvenus). En Grande-Bretagne, elle est importante aussi dans le secondaire, où être formé par les humanities(à la suite ou non d’une... grammar school) conserve toute son importance. Cet emploi du terme HN nous revient ainsi de l’anglais vers le français, via le CNNum, comme une possibilité de mettre en valeur en France une formation par les humanités, permettant de contre-balancer l’hyper-sélection française par les mathématiques.

 

Je mélange là les aspects sémantiques (linguistiques) et de fond. Mais dans ces sujets-là, ils sont à mon sens très liés (cf. Moatti 2012, “Le numérique, adjectif substantivé”, Le Débat ; voir aussi Guichard, p.ex. 2014) ; à cet égard, une troisième piste de travail pourrait être de s’intéresser à l’histoire de ces allers-retours humanités/humanitiesentre langues française et anglaise– je suis preneur de toutes références (comme Berra 2011 déjà cité).

 

Pour conclure, j’analyse donc le terme HN comme fondé : dans le supérieur, sur un indispensable substrat, et sur une édition critique ; et dans le secondaire, tel que proposé par le CNNum, comme un ballon d’essai (une philosophie ?) pour réhabiliter des formations moins scientifiques. Le terme HN en vient donc à recouvrir deux aspects très différents,  et à mon sens tout aussi importants — débat à suivre.

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22 mars 2014 6 22 /03 /mars /2014 15:35

I do like my Kindle. I like to read on my Kindle: e-books, PDF documents that I would not read on my computer, oldies but goodies SF books (H.G. Wells, Poe, Jules Verne,…). Also: when I am reading on my Kindle, I am not connected to the Internet – in that sense, it is like reading a book, I am in a quiet universe, without zapping, etc.

 

But. There is a ‘but’.

 

Why should the reading quality be worse than in the paperbook? Are we condemned to junk reading? Let me give you some examples (taken in L'Âge de la multitude, N. Colin & H. Verdier, Armand Colin 2012) .

 

First point. I do not know when a quote starts: there are no distinct characters, nor italics, just a very small margin which is hardly visible.

ImageCitations

All the text in the red square is a quote. The blue line indicates the very small margin (2 mm) between the quote alignment and the normal text alignment. You cannot distinguish these two alignments.  The only possibilities I have to understand that it is a quote are 1/ the context (but I would prefer to see a real quote, for easy reading), 2/ the footnote reference number at the end of the 'quote'.   If some authors do not document their quotes, there will be no footnote number... 

 

By the way, my second point is about the footnote references (anchors in the text). As you can see on the figure above (number 37), or the one below (red circles), the reference is in the core text, and not above as it is usual in a document.
ImageNbdP.JPG

 

Third point. As it is written here{{fr}}, « Veuillez noter que tous les livres Kindle ne possèdent pas la numérotation des pages (Please note that all the Kindle books do not have page numbers).» How can we quote part of the text in an article? I recently had to mention a quote of this book, and instead of a page number, had to indicate: “Emplacement Kindle 1260 sur 5130”!

 

The first two points are really a discomfort and represent a minor quality of reading – I would say a poor quality of reading.

 

I mentioned them to Amazon people at their booth during the Salon du Livre Paris 2014: they listened carefully, but told me that they were binded by standards. I am doubtful about this explanation.

 

I would be happy if some readers of my blog are able to share similar experience, or give me some URLs where this kind of problems are mentioned (also please they can correct my English, as it is my first post in English). 

 

 

PS : this post does not regard the quality of the concerned book, which is an interesting and original book.

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20 décembre 2013 5 20 /12 /décembre /2013 14:44

Vous trouverez ici (site du Bulletin des bibliothèques de France) mon article susmentionné, p.6-11 de l'édition papier BBF 2013, n°6.


Rat-des-Villes.jpg

Illustration par Arthur Rackham (1867-1939) des fables d'Ésope (WikiCommons)

 

J'avais déjà écrit un article dans le BBF en 2010 : « BibNum, bibliothèque numérique d'histoire des sciences », 2010, n° 3, p. 50-53 (ici).

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15 mai 2013 3 15 /05 /mai /2013 17:51

J'avais déjà pointé sur ce blog des anomalies sur des livres patrimoniaux sur Gallica.2e épisode. Une recherche que je fais sur Gallica, Mathias Sandorf (Jules Verne, 1885), pour l’édition d’un article sur la cryptographie (figure dans ce roman un bel exemple illustré par Verne de clef par transposition), me donne une foule de résultats mais pas ce que je souhaite, à savoir l’édition originale ou une édition suffisamment ancienne (ce qu’on s’attend à trouver sur Gallica).

Recherche Sandorf-red

Je fais une recherche avancée (Mathias Sandorf [titre] + Jules Verne [auteur]) pour affiner ce résultat fort peu satisfaisant, voici (image ci-dessus). Il existe donc 4 exemplaires numériques de cet ouvrage sur Gallica. Voyons un peu ce qu’il y a, puisqu’il n’y a pas ce que l’on cherche [quand on n’a pas ce que l’on aime, il faut aimer ce que l’on a] :

1)      deux rééditions issues du portail Izibook (2005 et 2008). Qu’il y ait deux éditions 2005 et 2008 ne me chaut guère, je ne vais pas sur Gallica pour connaître l’historique des éditions sur e-book (peut-être dans cent ans, sera-t-il aussi intéressant de connaître les différentes éditions e-book de 2005 et 2008 que les rééditions d’origine de Mathias Sandorf – en tout cas en 2013 ce n’est pas très intéressant). Izibook me renvoie sur Didactibook, où je dois m’inscrire pour télécharger un PDF (grauit, heureusement). Une recherche Google me fait arriver beaucoup plus vite sur un site personnel israélien qui a déjà téléchargé l’e-book et l’a mis en ligne sans inscription. Donc finalement ç’a été plus facile d’y arriver par Google que par Gallica. Sauf que l’édition ancienne sur Gallica, ç’aurait été une forme d’authentification du texte.

2)      Une édition du 14 mars 2013 (chouette, super-récente ) de Biberbook sur portail immateriel.fr. Exactement le même topo que ci-dessus.

3)      Enfin, une édition de la Library of Congress, perdue au milieu de tout cela (programme partenaires BnF): cette fois-ci c’est bien un livre d’époque (1885), mais c’est la traduction en anglais…

Sanford-LOC.jpg

Résumons cette expérience. Sur Gallica, je m’attends à trouver le livre patrimonial d’origine. Je ne le trouve pas. Je trouve trois versions d’e-books récents. Dont deux (2005 et 2008) du même "rééditeur". Les trois versions financées avec le soutien du programme CNL/SNE (taxe copie privée sur les photocopieurs/numériseurs). Quel intérêt à trouver sur Gallica toutes ces versions : Gallica se transforme-t-il en portail de recherche d’e-books émanants du secteur privé ? Et pourquoi le programme CNL/SNE en vient-il, d'ailleurs, à financer plusieurs numérisations/ rééditions d’un même ouvrage ?


CNLSNE.JPG

Merveilles du partenariat privé-public culturel à la française ! J’attends vos réponses et commentaires, notamment de la part de Gallica (je ne demande qu’à m’être trompé, mal avoir compris, pas saisi l’intérêt – convainquez-moi !)

 

Ajoût du 3 septembre 2013

Suite à ce billet de blog, twitté, Gallica a numérisé l'édition princeps de Mathias Sandorf et a bien voulu m'en informer sur Twitter (1er juillet 2013, ci-dessous). Jules & Mathias remercient Gallica, et Twitter.

Sansdorf-Twitter.JPG


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17 janvier 2013 4 17 /01 /janvier /2013 10:02

Le numéro de novembre 2012 des Annales des Mines, Réalités Industrielles est intitulé "Le rôle de l'écrit et ses évolutions". À la demande du coordonnateur du numéro, Loïc Lenoir de La Cochetière, j'y ai écrit un article "Bibliothèque numérique européenne, de l'utopie aux réalités". Cet article reprend, en l'approfondissant, l'article que j'avais fait pour La Jaune et la Rouge en 2009.

 

(lire l'article sur HAL)


Couverture.JPG

J'avais songé au titre plus agressif  "Bibliothèque numérique européenne : autopsie d'un sursaut ", en référence à ce qui avait été présenté à l'origine comme un "Plaidoyer pour un sursaut". C'est bien l'autopsie de ce sursaut, mort (avant d'avoir vécu ?) qu'il convient de faire. Mais le titre pouvant prêter à confusion (certains, non familiers du sujet, et du thème du sursaut qui lui est associé, pensaient que j'allais décrire un quelconque sursaut à venir), je l'ai modifié. Et, après tout, il s'agit bien de "réalités industrielles" (titre de la revue), mais aussi de réalités administratives et, plus surprenant, de réalités culturelles et historiques qui ont fortement relativisé les effets de ce "sursaut", et peut-être même sa pertinence.

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31 décembre 2012 1 31 /12 /décembre /2012 14:13

En France, on commémore à un niveau national, sous l'égide des pouvoirs publics, ministère de la Culture en tête. On se rappelle en 2011 la tempête provoquée par le 50e anniversaire de la mort de Louis-Ferdinand Céline, finalement retiré de la liste (tout tourne au psychodrame dans notre beau pays).  

  bandeau_2012.gif

 

En Allemagne, ne semble pas exister une onction nationale à ces commémorations : ayant édité un article  BibNum sur le centième anniversaire de l'article fondateur de 1912 d'Alfred Wegener sur la dérive des continents, j'ai cherché s'il existait un site "Célébrations nationales" d'un ministère de la Culture allemand. Rien trouvé de tel – d'ailleurs je ne crois pas qu'il existe un tel ministère en Allemagne. Après tout pourquoi pas (ou tant mieux) ?

 

De ce côté du Rhin, on attend donc avec impatience la liste 2013 de ce que nous devrons commémorer. Sauf erreur de ma part, on ne trouve ce jour (31 décembre 2012) sur le site du ministère qu'une "première liste d'anniversaires 2013" (ici), préparée par une Délégation aux commémorations nationales (oui, ça existe) sous l'égide d'un Haut Comité des célébrations nationales (oui, ce hochet existe aussi).

 

Pourquoi cette liste n'est-elle qu'"une première liste", ce qui est quand même dommage au seuil de la nouvelle année ? D'abord parce que, affaire Céline oblige, Chat échaudé craint l'eau froide (au passage : ce proverbe illustre le principe de précaution, il est souvent mal employé, voir ce qu'il recouvre effectivement). Ensuite parce que, bien évidemment, tout ceci va se traduire par une conférence de presse (comme celle du 4 janvier 2012).

 

On attend donc avec impatience la liste 2013. Dans la liste provisoire, la science a fort peu de place: je n'ai trouvé que le bicentenaire de la naissance de Claude Bernard (1813), soit une célébration sur 34...! Curieusement, manque le bicentenaire de la mort du mathématicien Lagrange (1736-1813). En attendant, tournons-nous vers l'étranger, et préparons pour BibNum le 70e anniversaire de la mort du savant Nikola Tesla (10 juillet 1856 - 7 janvier 1943).

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3 novembre 2012 6 03 /11 /novembre /2012 18:27

Je cherchais récemment, à fins d'iconographie, une couverture de la Revue scientifique de la France et de l'étranger, plus connue sous le nom de Revue rose à cause de sa couverture (rien à voir avec le Minitel de la même couleur récemment remis à la mode par le livre Théorie de l'Information d'A. Bellanger, Gallimard).

 

Je voulais, pour illustrer l'article que j'édite, trouver une image montrant une de ses couvertures effectivement rose. Or je m'aperçois que les bibliothèques numériques comme Gallica ou Google Books numérisent en noir et blanc — normal, me direz-vous ! Mais c'est parfois à ce genre de détails qu'on s'aperçoit que les besoins en matière de numérisation peuvent être très divers.

Revue-Rose.GIF

 

Revue rose ou... Revue blanche alors ?

 

PS : au passage, si quelqu'un repère sur Internet (hors bibliothèques numériques précitées) une Revue rose effectivement rose, je suis preneur !

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Présentation

  • : Humanités numériques, édition scientifique, diffusion numérique de la connaissance, Enseignement supérieur et recherche, géographie et histoire industrielles (auteur Alexandre Moatti) = ISSN 2554-1137
  • : Discussions sur le projet de Bibliothèque numérique européenne, sur les bibliothèques numériques en général; sur l'édition scientifique papier & en ligne.
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Avant-propos

Ce blog est créé à la rentrée scolaire 2006 pour suivre les sujets suivants:
# Bibliothèque numérique européenne (BNUE), et bibliothèques numériques en général.
# Edition et revues scientifiques.
Il est étendu en 2023 sur des sujets connexes aux précédents, mais néanmoins liés : patrimoine industriel, géographie industrielle.

 
Alexandre Moatti
 
 

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